Parfois, l’histoire politique haïtienne nous offre des figures prometteuses, des hommes au parcours irréprochable, à la réputation saine, qui donnent l’espoir d’une rupture avec le cycle de médiocrité. Fritz Alphonse Jean fut de ceux-là. Technocrate brillant, ancien gouverneur de la Banque centrale, économiste respecté, il était perçu comme un homme de chiffres, de rigueur, et d’intégrité. Mais lorsqu’il est passé du monde technique à l’arène politique, les attentes se sont rapidement transformées en désillusion.
Dès ses premières déclarations politiques, Fritz Alphonse Jean a cherché à se positionner comme un homme de solutions, un bâtisseur d’État, un stratège face à la crise. Pourtant, ses promesses, aussi ambitieuses qu’elles paraissaient, se sont révélées vides, imprécises, ou tout simplement irréalisables.
Parmi ses engagements les plus frappants, on se souvient de sa proposition d’intégrer la Brigade de Sécurité des Aires Protégées (BSAP) dans la Police nationale. Une idée qui, à première vue, semblait logique pour renforcer les effectifs sécuritaires. Mais elle n’était accompagnée ni d’un cadre légal sérieux, ni d’une évaluation des risques d’intégration de forces paramilitaires aux pratiques parfois opaques. Cette promesse mal ficelée a vite été reléguée aux oubliettes.
Autre annonce spectaculaire : un « budget de guerre » pour reconquérir les territoires contrôlés par les gangs. Le terme a marqué les esprits, mais aucune ligne budgétaire, aucun plan opérationnel, aucun engagement chiffré n’est venu étayer ce slogan martial. L’opinion publique, en quête de sécurité, n’a eu droit qu’à des mots, là où il fallait des actes et une stratégie crédible.
Fritz Alphonse Jean avait également promis de lutter farouchement contre la corruption. Il avait même annoncé vouloir mettre en place des numéros de téléphone pour signaler les actes frauduleux au sein de la Douane, de la DGI, et d’autres institutions publiques. Mais là encore, rien n’a été concrétisé. Aucune plateforme n’a vu le jour, aucun mécanisme de suivi n’a été mis en place, et la population n’a jamais été informée des suites possibles à ces dénonciations. Cela donne l’impression d’un gadget de communication, déconnecté des réalités administratives et sécuritaires du pays.
Ces promesses répétées, non suivies d’actions concrètes, laissent planer une interrogation légitime : Fritz Alphonse Jean était-il prêt à assumer un rôle politique de premier plan, ou s’est-il contenté de jouer une partition écrite par les attentes populaires sans vouloir réellement passer à l’acte ?
La politique exige plus que de bonnes intentions et une réputation d’intégrité. Elle exige du courage, de la constance, et surtout, la capacité de transformer les idées en politiques publiques viables. En cela, Fritz Alphonse Jean a, pour l’instant, échoué à convaincre. Son parcours technocratique reste admirable, mais son virage politique a révélé les limites d’une approche théorique détachée de la complexité du terrain.
Lors de sa dernière intervention publique à l’occasion de la Fête du Drapeau, célébrée au Cap-Haïtien au lieu de l’Arcahaie – un choix déjà critiqué par lui-même lorsqu’il s’agissait d’Ariel Henry – Fritz Alphonse Jean a vertement attaqué la population. Cette même population qui l’a hué, lui et les autres membres du Conseil présidentiel de transition, les traitant de voleurs. Face à cette indignation populaire, il a rétorqué qu’il savait « comment on en est arrivé là ». Mais la population ne cherche plus des explications historiques. Elle veut des solutions. Elle veut savoir comment on va les sortir de ce bourbier d’insécurité, comment remettre le pays sur les rails du développement. Pas dans cinq ou dix ans. Maintenant.